Value For Money ou comment démontrer la valeur apportée par l'assurance

Value For Money ou comment démontrer la valeur apportée par l'assurance

Avis d'expert

V4M (Value For Money) renforce les obligations de devoir de conseil et de transparence au bénéfice des assurés et impose d’en mesurer la satisfaction. Revue de détail des dispositifs V4M et des solutions qui permettent de les mettre en œuvre.

Expertise, offres, produits

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Rien ne résume mieux le plaisir d'œuvrer comme conseil en organisation dans le secteur des assurances que la mise en place des dispositifs Value For Money (V4M) chez nos clients assureurs, mutualistes et groupes de protection sociale ! Des réglementations touffues (parfois ardues pour ne pas dire indigestes), composées d'exigences diverses et polymorphes, qu'il s'agit d'interpréter et implémenter dans un triple souci de conformité, d'opérabilité et de pragmatisme ! 

L'enjeu n'est pas de se gargariser de la meilleure connaissance des textes réglementaires ni de s'imposer comme un interprète exclusif de ceux-ci, mais bien d'accompagner nos clients assureurs dans la conception, le déploiement puis le monitoring d'un dispositif V4M efficient et transverse à l'organisation, à même de démontrer aux régulateurs et aux assurés la valeur apportée par les solutions d'assurance distribuées.

V4M : De quoi parle-t-on exactement ?

Diffuse et souvent mal comprise, V4M a néanmoins une portée à même de transformer en profondeur les pratiques des assureurs. Voici les principaux points de cette révolution, déjà amorcée dans les faits depuis 2018 :

I. Obligations de transparence

Les assureurs doivent désormais fournir des informations claires et détaillées sur les produits d'assurance, y compris sur les coûts (dont la rémunération des intermédiaires), les garanties proposées et celles en exclusion. Le but est simple : permettre aux consommateurs d’évaluer l'intérêt de souscrire un produit d'assurance de manière plus simple et efficace, même pour ceux ne disposant pas de connaissances financières, actuarielles ou juridiques. 

La transparence aide non seulement les consommateurs à faire des choix éclairés, mais rappelle également aux assureurs l'importance de justifier la valeur de leurs offres. 

II. Normes de qualité et critères de performance

Les compagnies doivent développer des indicateurs de performance liés à la satisfaction client, à la qualité des services fournis et au rapport coût/bénéfice de leurs produits. Ces normes de qualité - imposées par les régulateurs, dont l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en France - incitent les assureurs à améliorer leur efficacité opérationnelle et à mieux répondre aux attentes des clients (c'est-à-dire plus rapidement, plus systématiquement et en monitorant les qualité et conformité des réponses). 

III. Encadrement du devoir de conseil

Le cadre réglementaire V4M renforce le devoir de conseil des assureurs en précisant les responsabilités des conseillers envers leurs clients. Cela signifie que les professionnels doivent évaluer les besoins spécifiques des clients et recommander des produits adaptés, qui offrent un bon rapport coût/bénéfice. 

En outre, les assureurs sont désormais tenus de documenter de manière rigoureuse le processus de conseil afin de démontrer qu'ils ont agi dans le meilleur intérêt de leurs clients. 

IV. Sanctions et responsabilité

Des sanctions peuvent être prononcées par les autorités de tutelle (l'ACPR en France) à l'encontre des assureurs ne respectant pas les normes V4M. Ces sanctions peuvent prendre la forme de pénalités financières et/ou de dommages à leur réputation (les sanctions pouvant être publiques selon une approche Name & Shame dont l'efficacité n'est plus à prouver...). 

V. Adaptation continue des offres d'assurance

La responsabilité accrue incite les assureurs à ajuster et revoir leurs pratiques commerciales, de souscription et d'indemnisation et à adopter une approche proactive pour évaluer et améliorer constamment leurs offres. 

VI. Gestion des feedback et adaptation

La réglementation V4M encourage les assureurs à mettre en place des systèmes de feedback client pour ajuster leurs offres en fonction des retours d'expérience, favorisant ainsi un cycle d'amélioration continue. Un bénéfice induit est que cette exigence peut permettre aux assureurs de rester durablement compétitifs en s'assurant régulièrement de l'adéquation de leurs produits avec les besoins du marché. 

VII. Le salut par l’innovation ?

Dans un contexte particulièrement adverse pour de nombreuses branches d'assurances - avec des sinistres en forte inflation en nombre et en montant moyen alors que les capacités d'augmentation des prix sont désormais réduites, comme en témoigne la hausse de la non assurance - V4M peut agir comme un aiguillon salutaire, favorable à l'innovation. 

En effet, les assureurs ont désormais tout intérêt à développer des produits qui ne sont pas seulement conformes aux exigences réglementaires et légales, mais dont la valeur est perçue par les consommateurs. Ainsi, chez Inetum, nous sommes les premiers témoins (et souvent les acteurs) des investissements d'assureurs dans des technologies et des solutions numériques pour améliorer l’expérience client et le rapport qualité/prix. 

V4M : Quel cadre réglementaire ?

Nous avons dressé ci-après un rapide panorama des réglementations dont l'objectif est de protéger assurés et épargnants, lutter contre les produits à marges excessives ou inutiles, et favoriser une concurrence saine par la qualité. 

En Europe

I. Directive DDA (Directive Distribution en Assurance)

C'est LE texte qui a fait émerger la notion de V4M (entre autres choses) dans le secteur des assurances. En synthèse, DDA est le cadre général qui fixe notamment les exigences suivantes : 

  • Les produits distribués par les assureurs doivent être adaptés au client et apporter de la valeur.
  • Des évaluations des coûts et bénéfices pour le client final doivent systématiquement être réalisées, lors de la conception du produit d'assurance puis de façon régulière pendant sa commercialisation.
  • Chaque produit d'assurance doit faire l'objet d'une gouvernance dédiée (la fameuse Product Oversight Governance) et d'une revue périodique.

II. Règlement PRIIPs (Packaged Retail and Insurance-based Investment Products) 

Avant DDA, les assureurs vie ont eu un avant-goût des enjeux de transparence, comparabilité et V4M appliqués à leurs produits d'épargne. Ainsi, PRIIPS impose : 

  • La fourniture d'un document d’informations clés (DIC ou KID) pour chaque produit d'assurance-vie.
  • La transparence sur les frais, les performances et les risques de chacun des produits d'assurance-vie.
  • La comparabilité entre produits d’investissement, y compris les contrats d’assurance-vie en unités de compte.

III. Travaux de l'EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) 

Organisme de régulation chargé de superviser le secteur des assurances et des régimes de retraite dans l’Union européenne, l'EIOPA a pour mission d'assurer stabilité, protection des assurés et harmonisation des règles. 

En 2023, l’EIOPA a publié un cadre de supervision de la V4M pour les produits d’investissement à long terme (dont les contrats d'assurance-vie et d'épargne-retraite) : 

  • La valeur est évaluée au prisme des frais, des performances attendues et des services associés au produit d'assurance.
  • Une autoévaluation structurée des produits par les assureurs, avec des indicateurs comparatifs, est encouragée.

En France

I. Revue périodique des produits (Article L.132-27-2 du Code des assurances) 

Cet article du code des assurances est directement issu de la transposition en droit français de la directive DDA : 

  • Obligation pour les assureurs de revoir régulièrement leurs produits, notamment en matière de coût, de performance, et de satisfaction du besoin client.
  • Cette obligation est applicable aux nouveaux produits comme aux produits en stock.

II. Règlementation ACPR / Recommandation 2022-R-01 

Jusqu'alors relativement discret sur la question V4M, l'ACPR a frappé un grand coup avec la recommandation 2022-R-01, qui s'est concrètement traduite par l'obligation faite aux assureurs-vie de supprimer de nombreux contrats en unités de compte (UC) : 

  • Attentes renforcées en termes de valeur créée pour le client, notamment au regard des frais des unités de compte en assurance-vie.
  • L’ACPR invite à justifier clairement les frais prélevés et à assurer une comparaison objective avec les alternatives du marché.
  • Objectif assumé du régulateur de limiter les UC avec peu de valeur ajoutée ou trop chargées en frais.

III. Loi Pacte (2019) 

la loi PACTE, qui a permis la mise en place du PER (Plan Épargne Retraite) avec une architecture favorisant la transparence des frais appliqués (notamment du fait de l'obligation de fournir aux prospects un document d’information standardisé présentant les coûts), s’inscrit également dans la même dynamique de transparence et de performance au service du client. 

Concrètement, comment les assureurs se transforment-ils, notamment en réponse à la réglementation V4M ? 

De nombreux assureurs européens, notamment en France et au Royaume-Uni, ont lancé diverses initiatives technologiques pour se conformer aux exigences réglementaires en matière de Value for Money. Ces efforts visent à renforcer le devoir de conseil, la transparence des coûts et commissions, la comparabilité des produits d’assurance, ainsi que la qualité des informations précontractuelles. 

Surveillance du devoir de conseil 

  • Digitalisation du parcours client : Les assureurs adoptent des outils numériques pour collecter et analyser les besoins des clients, assurant ainsi une adéquation optimale des produits proposés.
  • Formation renforcée des distributeurs : Des programmes de formation sont mis en place pour garantir que les distributeurs comprennent et appliquent les principes de V4M, notamment pour les produits complexes comme les produits structurés.
  • Suivi et traçabilité : Des systèmes d’information permettent de documenter chaque étape du processus de conseil, assurant une conformité avec les obligations réglementaires.

Transparence sur les coûts et commissions 

  • Standardisation des informations tarifaires : Les assureurs publient des documents standardisés détaillant les frais d’entrée et récurrents, facilitant ainsi la compréhension pour les clients.
  • Approche look-through : Cette méthode permet d’identifier les frais associés aux actifs sous-jacents, offrant une vision complète des coûts liés aux produits d’assurance.
  • Interdiction des commissions de mouvement : Des mesures sont prises pour éliminer les commissions perçues lors d’opérations sur les portefeuilles, réduisant ainsi les conflits d’intérêts potentiels. 

Comparabilité des produits d’assurance 

  • Outils de comparaison en ligne : Des plateformes numériques permettent aux clients de comparer facilement les caractéristiques et les coûts des différents produits d’assurance.
  • Utilisation de benchmarks : Les assureurs évaluent leurs produits par rapport à des références du marché, assurant ainsi leur compétitivité et leur pertinence.
  • Rationalisation des gammes de produits : Les produits offrant un mauvais rapport qualité/prix sont retirés du marché, améliorant ainsi l’offre globale pour les clients.

Amélioration des informations précontractuelles 

  • Documents d’information standardisés : Les assureurs fournissent des documents clairs et concis résumant les caractéristiques essentielles des produits, conformément aux directives européennes.
  • Transparence accrue sur les frais : Les informations sur les coûts sont présentées de manière transparente, permettant aux clients de prendre des décisions éclairées.
  • Intégration des préférences de durabilité : Les préférences des clients en matière de durabilité sont prises en compte lors de la proposition de produits, alignant ainsi l’offre sur les valeurs des clients.

Innovations technologiques 

  • Intelligence artificielle (IA) : L’IA est utilisée pour personnaliser les offres au plus près des besoins des assurés, détecter les fraudes et améliorer l’efficacité opérationnelle.
  • Big Data et analytics : L’analyse de grandes quantités de données permet d’affiner la tarification, de mieux comprendre les comportements des clients et d’optimiser les produits.
  • Plateformes numériques intégrées : Des solutions tout-en-un facilitent la gestion des contrats, la communication avec les clients et la conformité réglementaire.

En synthèse

Afin de se mettre en capacité d'offrir des produits transparents, compétitifs et adaptés aux besoins des clients, tout en respectant les exigences réglementaires en matière de Value for Money, les assureurs les plus avancés sont donc lancés dans une course à la rénovation et à l'industrialisation de leur core system vers des plateformes intégrées, mutualisables car modulables, permettant d'automatiser la mise à disposition des documents d'informations produits enrichis et de monitorer en temps réel le respect des exigences réglementaires inhérentes. 

Nativement ouvertes et interopérables, ces plateformes industrielles articulent entre eux l'ensemble des activités et processus opérés par les assureurs avec leurs différents partenaires, de la distribution et de la souscription des produits d'assurance à leur gestion opérationnelle (y compris les flux financiers, tant techniques (c'est-à-dire relatifs aux opérations d'assurance stricto-sensu) que liés à l'expense ratio, dont les commissions versées aux intermédiaires). 

La modularité est également une caractéristique fondamentale de ces plateformes, tant les enjeux de Value For Money peuvent être variables dans le temps. Ainsi, quel produit apporte-t-il le plus de "valeur" à l'heure du dérèglement climatique : un produit en UC traditionnel offrant une structure de frais particulièrement faible, ou une autre unité de compte favorisant la mobilisation de l’épargne en faveur du financement de l’économie réelle, et notamment de l’innovation, de la transition énergétique et de la réindustrialisation (bref, alignée avec la loi Industrie Verte), mais avec une structure de frais plus lourde ? 

Contact : Jérôme Rave

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